jeudi 24 septembre 2015

St Petersbourg à Concarneau

Le château de Keriolet est une espèce de folie Russe construite au bout du monde (le Finistère porte bien son nom), à Concarneau, une ville aujourd'hui bien connue pour sa ville close.


J'ai eu la chance d'être guide pendant 1 mois dans cet endroit, et quelques amies sont venues assister à mes visites, et je trouvais ça dommage que d'autres proches n'aient pas pu en profiter, alors je vais vous guider, plus ou moins virtuellement sur ce blog.


Avant d'entrer dans ce château, il faut passer par la tour de garde (qui était aussi notre logis) et payer. Mais je vous fait grâce de ces quelques deniers, au moins sur ce blog. ( Sinon je prend Paypal et chèques.) Notez en tout cas que le château ne reçoit pas d'aides de l'Etat et que ce sont les visites qui payent les restaurations.

Bref, ceci fait, on se retrouve devant une belle façade du XIXème siècle. Ce château a été construit à partir de 1860 mais à l'emplacement d'un manoir du XVème siècle, qui a été enveloppé et non pas détruit ! (Deux ailes ont été néanmoins ajoutées pour des raisons de standing.)
Enfin bref, cette construction a vu le jour grâce à deux personnages : la princesse Zénaide Narishkine Youssoupov et le comte Charles de Chauveau.


Notre belle princesse est tombée folle amoureuse du petit Charles, mais malgré sa belle moustache, il se révèle être un roturier. Mais bon Zenaide, elle a du pognon, et lui achète deux titres de noblesse ; le voilà Marquis de Serre et Comte de Chauveau. Ces titres sont d'ailleurs représentés par deux couronnes présentes sur la façade.


Cette façade en fait elle montre pleins de choses : le fait que ce château est vraiment construit pour Charles, puisque celui ci est monarchiste, on voit des fleurs de lys un peut partout. Mais aussi que Zenaide, elle kiffait grave la Bretagne, donc on a des petits personnages Bretons, des hermines et Anne de Bretagne. ( Ce qui permet aussi de faire une référence à la monarchie avec ses deux époux, Charles VIII - où monsieur commotion cérébrale à la tête - et Louis XII)





Mais le truc clairement cool dans cette façade, c'est ce superbe banc acoustique. Eh ouai Zénaide elle était sourde comme un pot, parce qu'elle avait déjà 60 ans lors de la construction ( ayé brisée l'image de la belle princesse Russe.) donc elle a demandé à son architecte un banc qui résonne quand on parle dedans. ( Testé et approuvé.)

Avec une guide en prime

Bon passons aux choses sérieuses. L’intérieur.

La salle des gardes


La visite commence par la salle des gardes, mais salle de bal conviendrait parfaitement. Avant tout commentaire sur la salle, il faut comprendre que le château a connu une histoire assez complexe, puisqu'il a été transformé en musée (selon le testament de Zénaide) puis récupéré par son descendant Felix Youssoupov, qui a tout revendu. Puis ensuite a été pillé, détruit par une tempête... bref c'était pas la joie quand l'actuel propriétaire est arrivé. ( Plafonds détruits, chapelle entière démontée et revendue... voila voila) Donc aujourd'hui il n'y a plus aucun meuble d'origine, et tout n'est pas encore restauré.


Zénaide ne participait pas vraiment aux bals, mais observait tout depuis son balcon. Enfin elle surveillait Charles quoi.

Mais dans cette salle, il nous reste la magnifique cheminée, qui est la seule chose qui a pu être classée aux Monuments Historiques : la cheminée.
Celle ci est faite dans un pierre assez spéciale, puisqu'elle est en Kersantite, une pierre directement extraite dans la rade de Brest, et que l'on taille mouillée, car sinon au contact de l'air elle durcit. 
Et elle représente notre beau Charles, qui se la pète en chevalier, et qui s'invente toute son ascendance. Celui ci n'étant pas un vrai noble, il glorifie son faux passé. On peut notamment voir de faux blasons (parfois inspirés de blasons de grandes familles) ou de grands ancêtres sur des vitraux. ( D'ailleurs il a mit la couronne de France à un des ancêtre. Narmol.)
Donc Charles se la joue un peu, malgré sa devise : " Tout est honneur et loyauté, tout est lumière et vérité." Mouai.


En plus de tout ça il faut imaginer que les murs étaient recouvert de très belles tapisseries des Gobelins (vendues par Felix) qui sont aujourd'hui dans des musées. Mais impossible de les récupérer car elles ont été achetées légalement, et puis impossible de les conserver ici au château à cause de l'humidité.

A défaut d'avoir des tapisseries...on a de l'art contemporain

Et puis on passe à quelque chose de plus intime, puisque l'on passe de 7m de hauteur sous plafond à 3m environ.

La salle d'arme


( Tout de suite c'est beaucoup plus chaleureux quand on est un groupe de 40.)
On passe en effet dans le manoir du XVème siècle : la salle des armes.
Si le plafond n'est plus du XVème, car restauré, le banc d'église est lui de la fin du XVème. Donc un très vieux banc, mais surtout très intéressant, car on peut voir des figures de profil sur les portes, qui montrent donc que la mode à l'antique arrive, même au bout du monde. (On a pas le TGV mais on a les courants artistiques.)


Ce banc reste néanmoins une petite énigme, car il n'a aucun signe religieux dessus, ce qui rend impossible qu'il soit placé dans le chœur pour les chanoines/autres (pourtant sa forme le placerait là.)
Ma petite hypothèse personnelle, serait qu'il s'agirait d'un banc réservé aux notables, dans un endroit assez proche du chœur (transept? ) et que ce serait des notables représentés. Ce qui expliquerait la non présence de signes religieux.

Le salon


Puis on passe au salon, une pièce bien plus cosy. Exposée plein sud, elle reste relativement chaude, aidée par la cheminée et des tapisseries des Flandres. 
La pièce accueille des papiers intéressant, puisque l'ambassade de Russie en Allemagne a prêté les documents d'un ambassadeurs minutieux, qui conservait tout. (Oui on a des cartons d'invitation à boire le thé par le Baron Rothchild.)
On a même de très beaux emprunts russes, qui comme vous le savez n'ont pas tous été remboursés. Mais au moins les papiers sont beaux.


La salle à manger

Puis nous passons à une pièce, plus petite, mais tout aussi intéressante, notamment de par son mobilier, principalement chinois - typique de ce qu'on collectionne au XIXème avec cette mode de l'Orient. Mais surtout de par son plafond.







Celui ci date en effet du XVème, puisqu'il est là depuis le temps du manoir. Il a été épargné par la tempête, et seul la couleur ( hermine et fleurs de lys, comme d'hab) a été refaite par Zénaide.
La cheminée aussi est vieille, puisqu'elle date du XVIème, avec l’inspiration de la renaissance qui se voit ar les figures mythologiques, les mascarons et le phœnix.

Mais ce que je préfère dans cette pièce sont les menus d'ambassades affichés, qui ont le don de donner une indigestion rien que par la lecture.


Puis nous quittons le domaine de Zénaide pour passer du côté des serviteurs. Le Corridor des lauriers  est un couloir reliant la cuisine à la salle à manger.

Le couloir en lui même n'est pas intéressant (c'est pour les sous fifres, espérez pas un truc beau) du coup le propriétaire a juste ajouté des photos/ coupures de journaux de Nicolas II et Raspoutine.

Plutôt que de vous raconter la légende de sa mort, je vous invite à regarder le très bon documentaire L'ombre d'un doute sur Raspoutine.

(Ou chanter ça si vous en avez rien à battre.)

La cuisine


Et enfin on passe à la pièce qui fait WOAW. La cuisine quoi.
C'est en effet le clou de la visite avec sa magnifique faïence de Desvre, notez que chaque carreau de faïence vaut environ 40€, ce qui fait de cette pièce une des plus chère du château. (Si tant est que l'on puisse donner un prix à tout ce que l'on a pu voir.)

 
Mais ce qui est vraiment interessant dans cette cuisine est surtout sa modernité ! La présence d'un potager (c'est le nom de la cuisinière ahah) montre bien cette modernité. Celui ci a été installé dans les années 1860 et on en trouve en france jusque dans les années 1940, c'est un système qui permet de choisir l'intensité la chaleur grâce à une petite ouverture que l'on peut régler.
En plus de cela on retrouve un four combiné : Four à gâteau dans la partie supérieure, four à pain dans la partie inférieure.


Mais comme vous pouvez le constater on ne trouve aucun point d'eau dans cette pièce, en effet on n'y faisait pas la vaisselle ou autres tâches dites "sales", cela était réservé à la souillarde, la pièce adjacente.


Mais cela ne veut pas dire qu'il y avait l'eau courante pour autant, il fallait aller la chercher dans le puit, qui aujourd'hui se trouve bien loin du château : dans la ville close de Concarneau.
En effet celui ci a été offert par Felix Youssoupov à la ville de Concarneau, en espérant que la ville rachèterais le château, ce qu'elle n'a pas fait.

La cour intérieure


Nous passons ensuite à l’extérieur, dans une petite cour très sympathique, très souvent habitée par Peter, le chat du château. (Pour le plus grand plaisir des enfants)

Ce chat ne m'aime pas autant que moi je l'aime.

Néanmoins cette cour présente autre chose d'interressant ! Elle nous révèle le caractère chia...compliqué de Zénaide, puisqu'en 20 ans de construction celle ci a changé 4 fois d'avis sur le style de la construction. ( Son architecte a du être ravi.)


Donc on commence par une partie en aile néo-gothique, l'architecte Joseph Bigot était un peu à fond dans le trip Viollet-le-Duc, du coup on voit des petites gargouilles un peu partout (et même une petite sorcière) ainsi qu'un donjon, symbole du Moyen-Âge par excellence.

 
Puis on passe à une inspiration renaissance : avec un avant-corps central et de chaque côté un symétrie au niveau du nombre de fenêtres et de porte.
Mais la seconde moitié de cette aile est déjà dans un style différent ( Oui c'est une vraie girouette), puisqu'on retrouve un style néo-breton, qui se voit particulièrement au niveau des fenêtres de l'étage.

Sauf que j'ai pas de photos 8D ahaha

Et enfin on termine avec un aile néo-gothique flamboyant, on y va à fond : cloître, vitraux flamboyant, tourelles..etc..etc..


Bref c'est un joyeux bordel, mais finalement ça rend plutôt pas mal!



La fin de la visite se termine dans un coin un peu plus sombre : la crypte.
Malheureusement pour vous, ce n'est pas une vraie crypte, puisque nous ne sommes pas sous une chapelle et personne n'est enterré ici!

En fait il s'agit de l'emplacement du système de chauffage, qui était très moderne pour l'époque. L'air chaud envoyé par les poêles se répartissait dans les pièces par des petites grilles au sol.

Mais bon en réalité Zénaide ne vit ici que quelques semaines par an (et en été), c'est un peu sa semaine camping, du coup le chauffage elle s'en fiche un peu.

Voila donc, cette visite virtuelle est terminée, il y a beaucoup de choses à dire encore, mais il est difficile d'expliquer certaines choses sans être sur place! Je vous encourage donc à visiter cette magnifique folie Russe perdue au milieu de la Bretagne!

Quelques photos des bons moments au château :

Pop corn nutella : invention du siècle 
Un petit coucher de soleil...
Atelier tricot !
 Vandalisme autorisé




Cette expérience de guide était vraiment géniale, aussi bien pour l'ambiance entre guides que le travail en lui même ! J'espère pouvoir le refaire :p